Kim Tillie : « On sera très difficile à défendre cette saison »

Kim Tillie : « On sera très difficile à défendre cette saison »

Après sept saisons passées à l’étranger, entre Espagne (Murcia, puis Vitoria et Gran Canaria) et Grèce (Olympiakos), Kim Tillie (2,11 m, 31 ans) revient en championnat de France, où il n’a finalement passé que deux saisons, entre 2010 et 2012 avec l’ASVEL. Alors que son père (Laurent, sélectionneur national) et son frère (Kevin) disputaient le Championnat d’Europe de volley en France, nous avons saisi l’occasion de faire un point avec le nouvel ailier fort de Monaco, qui dispose sans doute de l’un des plus beaux CV parmi les recrues estivales...

Kim, pour commencer, LE match impossible à manquer, à la télévision, en ce mois de septembre, est-ce le France – USA de la Coupe du Monde de basket ou l’éventuel quart ou demi-finale des volleyeurs à l’Euro ?

(Rires) Oh là ! C’est vraiment une question difficile pour moi, ça ! Mais la réponse est finalement facile : les deux. Ce sont deux rendez-vous que je ne voudrais manquer pour rien au monde. La Coupe du Monde a donné lieu à de vrais gros matches et les volleyeurs, eux, sont bien partis, sont invaincus en sortant des poules (cet entretien a eu lieu le vendredi 20 septembre, ndlr), et la suite du Championnat d’Europe va être intéressante. Malheureusement, je n’aurai probablement pas l’occasion d’aller les voir jouer à Nantes ou Paris, car on a un calendrier très chargé en ce début de saison. Si par bonheur ils allaient en finale, c’est le même jour qu’une rencontre de Monaco à Chalon-sur-Saône. C’est dommage...

Vous venez d’une incroyable famille sportive, avec un père et une mère internationaux de volley, un frère avec la sélection qui dispute l’Euro actuellement et vous et Killian dans le basket. Comment s’est décidée votre orientation vers le basket ?

Un peu par hasard, en fait. Moi, j’avais commencé en jouant au foot. De 6 à 10 ans, c’était ma passion. Puis nous avons déménagé et nous sommes installés à Cagnes-sur-Mer. Là, comme je faisais déjà 1,80 m ou presque à 10 ans, le football, ce n’était plus trop ça... Mes parents ont donc voulu me mettre au volley, mais il n’y avait pas vraiment un club intéressant dans le coin. Ils nous ont donc inscrits, Kevin et moi, au basket, sans même nous demander notre avis. Du coup, moi je n’ai jamais arrêté, alors que Kevin, vers ses 14 ou 15 ans, s’est mis au volley.

Votre détente à deux pieds, typique des volleyeurs, n’a donc pas cette origine. Vous n’avez jamais pratiqué le volley en club ?

Ah non ! Pas du tout. Je n’ai jamais joué. Cela doit être en regardant des matches, parce que j’en ai quand même vu un paquet. Ou bien c’est dans les gênes... 

Vous ne vous êtes jamais demandé ce que vous auriez donné, à 2,11 m, avec votre détente dans le volley pro ?

C’est vrai que parfois je me pose la question. Surtout quand je suis devant un match de l’équipe de France où évolue mon frère Kevin, sous le coaching de mon père. Il m’est arrivé de me demander où est-ce que j’en serais si j’avais effectué la même bascule que lui. Ma carrière aurait été différente... Mais bon, je n’ai aucun regret d’avoir choisi le basket. D’abord parce que j’adore ça. Ensuite parce que ça ne s’est tout de même pas trop mal passé jusqu’ici. Il y a un joueur avec qui j’ai évolué, à Vitoria, Chase Budinger. Il a évolué 7 ans en NBA, à Houston et Minnesota, avant de signer à Vitoria. Et là, l’an dernier, à 30 ans, il est passé pro en beach-volley. 

Les trois membres de la fratrie connaissent des débuts de carrière similaires, puisque vous êtes tous trois passés par la case NCAA (Kim aux Utah Utes, Kevin au Canada puis à Cal-Irvine et Killian, actuellement à Gonzaga). Etait-ce une préconisation familiale pour concilier études et sport de haut-niveau ou bien c’est votre exemple que vos frères ont suivi ?

Un peu des deux en fait. Quand j’étais à Utah, Killian, qui a dix ans de moins que moi, est venu souvent me rendre visite avec mes parents. Je crois que ça l’a marqué en lui imprimant dans le cerveau qu’il voulait lui aussi effectuer ce parcours. Mais c’est vrai aussi que pour concilier études et sport de haut-niveau, c’est le top ! Il n’y a rien qui puisse rivaliser avec ce système. Et puis, il y a la vie sur le campus, tout ça, c’est quand même des souvenirs inoubliables... 

Dernière question “famille», le “K” de tous vos prénoms (Kim, Kevin, Killian), est-il une sorte de petit hommage au nom de jeune fille de votre maman (Keulen) ?

Non, je ne sais pas trop. Cela n’a rien à voir, je crois. Ils ont commencé avec Kim. Ils trouvaient que c’était un nom qui claquait. Et ma mère avait lu un article disant que si tu donnes un nom tonique à un enfant, ça le rend tonique... Ensuite, ils ont exploré la filière des “K”... Mais pour en revenir à la famille, le fait d’avoir grandi dans des salles de sport, dans cette ambiance baignée par le haut niveau, ça a sans doute été un vrai plus. Ce dont je me souviens, c’est à l’école, quand les autres enfants me demandaient : « Qu’est-ce qu’il fait comme métier ton papa ? » Et que nous répondions, Kevin et moi : « Il joue au volley. » C’était plutôt marrant, même si l’on ne se rendait pas trop compte que ça pouvait être étonnant. C’est seulement plus tard qu’on s’est aperçu de la portée de sa carrière, de ce que ça impliquait. Après, oui, on a trouvé ça cool et on a tout fait pour que ça nous arrive aussi. 

En tant que coach, est-ce que votre père s’est mêlé de votre carrière ou vous a donné des conseils ?

Oui, bien sûr. Surtout sur l’approche mentale, qui peut être comparable d’un sport à l’autre. Après... (Il rit) Parfois, après, il essaie de donner des conseils techniques sur le basket, mais ça, c’est plutôt rigolo parce que son sport reste le volley et qu’il n’est quand même pas très au point côté basket...

Depuis 2006, vous n’avez passé que 2 petites années en France (à l’ASVEL entre 2010 et 2012). Cela doit vous faire un peu bizarre d’entendre parler français en descendant de chez vous le matin...

Oui ! J’ai même un peu de mal avec la langue. Je cherche parfois mes mots. J’ai passé 4 ans aux USA, 6 en Espagne et ma femme est Américaine. Donc je ne parle pas si souvent français et je m’y perds un peu parfois. Mais c’est vrai que c’est sympa de revenir en France, surtout dans ma région d’origine. Surtout que mes parents sont toujours à Cagnes-sur-Mer.

Vous faites partie d’une génération dorée, née en 1988 ou 89 (avec Batum, Diot, Ajinça, Moerman, Jackson, etc.). Quels souvenirs gardez-vous de votre titre en U18 en 2006, puis de cette médaille de Bronze, au Mondial, l’année suivante ? 

C’était vraiment sympa. Nous étions tous amis et le fait de se retrouver comme ça, tous les étés, avec des résultats aussi exceptionnels, c’était vraiment top. Depuis tout ce temps, nous sommes restés en contact. Beaucoup jouent en Euroleague, quelques-uns en NBA, mais c’est vraiment sympa de voir les évolutions de carrière de chacun. À Vitoria, j’étais avec Rodrigue (Beaubois), lui aussi de cette génération. Mais lui n’avait vraiment pas eu de chance, en se blessant juste avant une compétition qu’il devait disputer.

Vous avez également effectué deux campagnes complètes avec les Bleus, avec une médaille de Bronze au Mondial 2014 et une participation aux Jeux de Rio. Vous n’avez que 31 ans et serez plus directement sous l’œil du sélectionneur cette saison. Participer à une seconde Olympiade, l’été prochain à Tokyo peut-il être un objectif ?

Oui, bien sûr. Je n’ai pas été sélectionné cet été, ce qui était logique. J’ai vécu une saison plus difficile, à Gran Canaria. Sans doute les suites de la grosse blessure que j’ai connue à Olympiakos et dont j’ai mis beaucoup de temps à me remettre. Cette année, je me sens bien mieux. Je voudrais effectuer une grosse saison, notamment sur le plan personnel, pour montrer à nouveau ce dont je suis capable et essayer d’éveiller l’attention du sélectionneur. Parce que l’équipe de France, c’est toujours un objectif, une fierté et un vrai bonheur de porter ce maillot. L’an dernier, je n’ai pas été blessé en fait. Mais j’ai vraiment eu du mal à retrouver le rythme et mon jeu. À la fin de la saison, je me sentais enfin bien dans mon jeu, mais... c’était un peu tard.

Revenons à votre actualité. Après toutes ces saisons à l’étranger, dont cinq en Euroleague entre Vitoria (3 ans), Olympiakos et Gran Canaria, comment s’est décidé votre choix en faveur de Monaco cet été ? 

Mon objectif, c’était principalement de me relancer et montrer que j’avais toujours le niveau d’Euroleague. Je n’ai pas eu d’offre émanant de clubs d’Euroleague tôt dans l’été, alors que Monaco m’avait très vite montré un intérêt. Ensuite, j’ai reçu un appel du coach, Sasha Obradovic, qui m’a dit qu’il me suivait depuis quelques années et qu’il trouvait mon profil intéressant pour son projet, je n’ai pas hésité. On va participer à l’EuroCup, une compétition qui progresse d’année en année et, quand on regarde les effectifs des clubs engagés cette année, ce sera sans doute l’EuroCup la plus compétitive de l’histoire. Le coach m’a aussi dit qu’il comptait me donner un rôle important cette saison. Et cette confiance est hyper importante pour réussir dans un club. En plus, c’est un entraîneur très strict, au jeu très structuré. Et moi, j’adore ce type de jeu et j’ai même besoin de cette discipline dans le collectif pour m’exprimer au mieux.

Au fait, quel est le coach le plus exigeant sous les ordres duquel vous avez évolué ? 

J’en ai eu pas mal en fait. Rien qu’à Vitoria, avec Velimir Perasovic ou Tito Alonzo, c’était très physique à l’entraînement tous les jours. C’est la même chose ici, tous les entraînements sont hyper ardus. 

Vous avez disputé l’Euroleague ces 5 dernières saisons, avec un vrai rôle (entre 18 et 22 minutes de moyenne). Quel regard portez-vous sur cette compétition et les difficultés de conjuguer une double saison régulière à laquelle va être confrontée l’ASVEL pour la première fois ? 

C’est vrai que ce n’est pas facile. Mentalement comme physiquement, c’est une vraie épreuve. Ce sont surtout les voyages qui sont difficiles à supporter, ça ne s’arrête jamais. Les matches se jouent le vendredi, et tu dois très vite enchaîner avec ton championnat le dimanche. Ce sont des week-ends plus que chargés ! Depuis trois ans et le nouveau calendrier, c’est compliqué. D’autant que j’ai suivi les recrutements cet été et les effectifs vont être incroyables, avec un nombre de joueurs passés par la NBA encore plus important. Je pense que le niveau augmente énormément d’année en année. L’an dernier, avec Gran Canaria, qui avait un petit budget comparé aux Fenerbahçe, CSKA et autres, qui comptent sur 30 millions d’euros ou plus de budget, on a souffert. Ils alignent des effectifs de 15 joueurs, se déplacent en avion privé alors que nous, via les lignes régulières, on met souvent une dizaine d’heures d’avion à chaque déplacement... 

L’ASVEL a dimensionné son effectif pour y faire face, avec une rotation à 13 joueurs. Mais est-ce une chance pour l’ASM d’avoir moins de rencontres à disputer et probablement moins de défaites à encaisser ? 

Oui, bien sûr ! Je ne leur souhaite pas d’encaisser de grosses défaites, mais il est évident qu’une première saison en Euroleague, c’est compliqué. Le fait que nous ayons moins de matches, cela joue. On a plus de temps de repos, mais aussi plus pour travailler collectivement. En Euroleague, il y a aussi 5 ou 6 double semaines, avec donc trois matches à disputer dans la même semaine avec le championnat. Pour peu que vous ayez un déplacement compliqué au milieu, c’est épuisant ! 

Alors que la saison s’est ouverte le week-end dernier, et après votre victoire au Mans (78‑87) en Coupe de France, quel bilan pouvez-vous tirer sur la préparation et l’effectif de la Roca Team ? 

Déjà, il me semble que cette préparation physique a été l’une des plus difficiles que j’ai pu connaître. C’était du sérieux ! On a très bien bossé, en étant « on the road » tout le temps puisqu’on a passé 15 jours à Bormio, en Italie, puis entre Allemagne et Turquie. C’était bien aussi pour souder l’équipe et apprendre à mieux se connaître. On a encore une grosse marge de progression, mais on voit déjà que ce groupe a un potentiel intéressant. On a une équipe très talentueuse, où le scoring devrait être très bien réparti. Le danger peut venir de partout mais surtout, même si c’est forcément encore parfois un peu brouillon, on sent une vraie volonté de se passer la balle. Je crois qu’une fois rôdé, on sera très difficile à défendre, parce que nous avons des shooteurs, des joueurs de pick-n-roll, de post-up de un contre un, etc. Nous avons une équipe très complète, je crois.

De quelle manière votre jeu a-t-il évolué depuis 2014 ? 

En Euroleague, à Vitoria, Olympiakos voire Gran Canaria, j’avais un vrai rôle défensif. J’étais un peu celui qui faisait le sale boulot en défense, au rebond. Mais j’ai aussi beaucoup progressé sur mon tir à trois-points. Je suis plus fiable, je crois, en tous cas bien plus en confiance.

Un petit mot sur Killian, énorme à Gonzaga en 2017‑18 puis perturbé par pas mal de blessures la saison passée. Il a retiré son nom de la draft l’été dernier. Le voyez-vous en NBA l’an prochain ? 

Ce serait mon rêve de le voir en NBA l’an prochain. Il a surtout été malchanceux cet été. Il a inscrit son nom à la draft et s’est blessé bêtement juste avant d’effectuer des work-outs avec les franchises. J’espère qu’il sera au top pour l’été prochain. 

Au fait, pour terminer, Kevin a remporté l’Euro et la Ligue Mondiale en 2015, et deux titres en NCAA. Killian été MVP de l’Euro cadet et disputé la finale du Final Four NCAA en 2017. Vous avez obtenu une médaille de Bronze au Mondial (2014) et disputé un Final Four d’Euroleague et des J.O. Est-ce que, l’été, il y a de gros débats sur vos palmarès respectifs ?

(Il rit) Pas mal, oui… Les volleyeurs, mon père et Kevin, chambrent volontiers les basketteurs. Nous, on leur assène que le volley est tout sauf physique. Ils ne courent pas, ne se touchent jamais, etc. Et eux pensent que le basket est un sport de fainéants. Qu’on ne saute jamais, qu’on ne fait que trottiner, sans course de haute intensité. Bref, ça chambre un peu...  

Petit pronostic pour finir. : en dehors de l’ASVEL, qui voyez-vous pour venir vous embêter en haut de tableau ? 

C’est une bonne question. Surtout que nous n’avons pas joué beaucoup de clubs français en prépa. C’est encore un peu tôt pour dégager une tendance. Mais je suis sûr que Strasbourg, Dijon, les deux clubs franciliens, ou encore Gravelines-Dunkerque qui semble plutôt armé, auront de belles équipes. Mais on verra tout ça après quelques matches… 

© LNB

Cet article est à retrouver dans le Soir de Match papier distribué dans les salles de Jeep® ÉLITE pour la 2ème journée