Will Yeguete : « On a montré qu’on pouvait créer la surprise en EuroCup »

Will Yeguete : « On a montré qu’on pouvait créer la surprise en EuroCup »


L’épidémie de Covid-19 a stoppé net la belle saison de la Roca Team. Au moment de l’arrêt forcé des compétitions, les Monégasques étaient co-leaders de la Jeep® ÉLITE et toujours en lice en EuroCup, en route vers un alléchant quart-de-finale face à la Virtus Bologne de Milos Teodosic, leader autoritaire de la série A italienne.

Après trois saisons au MSB, et un titre de champion décroché en 2018 face à Monaco, Wilfried Yeguete a relevé le défi de rejoindre le très ambitieux club du Rocher. L’intérieur reconnaît que ses débuts ont été compliqués, mais qu’il a finalement réussi à gagner la confiance de Sasa Obradovic.

Ses performances sont allées crescendo. Le numéro 15 s’est avéré très rentable en sortie de banc (7 points, 6,2 rebonds, 11,2 d’évaluation en 17 minutes) et son abattage défensif a répondu aux exigences de l’exigeant technicien serbe. « Will » revient sur ses premiers mois à Monaco. 

Es-tu resté à Monaco pendant ce confinement ?

Oui, j’ai hésité à remonter à Paris. Mais ma grand-mère est chez moi, mes parents et ma nièce aussi. C’était mieux de rester ici sachant que sur Paris, c’est un peu la guerre en ce moment. J’essaie de faire des exercices. On fait des séances avec le préparateur physique via Zoom (une application de visioconférence) pour essayer de rester actif comme on peut. J’essaie de suer tous les jours, en attendant. Au niveau basket, c’est très limité. J’ai fait un petit challenge, un slalom sur mon balcon. Je n’ai pas moyen d’aller sur un terrain et shooter. 

Comment meubles-tu tes journées ? 

Je lis beaucoup. J’alterne entre livres en français et livres en anglais. En ce moment, je lis La guerre des intelligences du docteur Laurent Alexandre qui parle d’intelligence artificielle et du futur. C’est intéressant de voir à quel point les Etats-Unis sont en avance par rapport à l’Europe pour ce qui concerne l’intelligence artificielle. Et avant, j’ai lu un livre en anglais qui s’appelle Men without Women. Il m’en reste quelques-uns à lire, sachant que je n’aime pas lire sur supports numériques. J’écris aussi un peu. Je lis la Bible, je médite. J’essaie d’apprendre des choses que je n’aurais pas pu apprendre en pleine saison. J’essaie de me challenger mentalement, de garder mon cerveau actif. Et puis je regarde un peu la télé, Netflix, et je joue un peu aux jeux vidéo.

Passer du Mans, où tu as passé trois ans, à Monaco a été un changement important. Tu as rejoint une équipe de haut de tableau, candidate déclarée pour le titre. Quel bilan fais-tu de cette première saison malheureusement stoppée en mars ? 

J’arrivais un peu dans l’inconnue. Il y avait un groupe déjà installé, donc j’ai dû faire ma place. En début de saison, il y avait des rumeurs comme quoi ils allaient me prêter. C’était vraiment délicat pour moi. Je venais juste d’arriver et je venais de faire peut-être le pire match de ma carrière, à domicile (-3 d’évaluation en 9 minutes contre Gravelines-Dunkerque). On n’avait pas très bien commencé la saison collectivement. On avait dû mal à se trouver, à jouer ensemble. Et c’était la première fois que je me retrouvais dans cette situation où j’apprends que potentiellement je peux être prêté après un seul match. Après, j’ai eu la chance de pouvoir montrer ce que je pouvais faire dès le match suivant (13 points, 10 rebonds, 22 d’évaluation à Chalon). J’ai fait ma place petit à petit.

Tu as pu mesurer la différence entre Monaco et tes clubs précédents ? 

Oui, ce n’était pas Le Mans, ce n’était pas Pau, pas Le Havre. C’est comme ça dans les grands clubs, tu peux être sur la sellette après un ou deux matches. Cela peut aller très vite. Je m’étais fixé un challenge en allant à Monaco. Globalement, depuis, ça se passe très bien. J’ai réussi à m’installer. J’aurais aimé faire plus mais on a un gros effectif, on joue une coupe d’Europe vraiment intense. Je pense avoir réussi à montrer que j’avais le niveau pour jouer à Monaco, jouer en coupe d’Europe. C’est dommage que la saison se soit arrêtée, parce que les prochaines échéances étaient très importantes pour nous. Cela aurait été intéressant de voir comment on aurait pu répondre. Mais c’est comme ça. Cela va bien plus loin que le sport. L’important, c’est la santé de tout le monde.

Tu as découvert un nouveau coach, très exigeant, Sasa Obradovic. Comment s’est passé votre collaboration ? 

Déjà, je l’avais observé la saison dernière. Il dégage beaucoup par sa prestance. Il a une grande expérience en tant que joueur et en tant que coach. C’est un mec super pointu, qui bosse, qui est à fond tous les jours. Il prend tout au sérieux. Tout est guidé vers la victoire. Il nous demande beaucoup parce qu’il sait ce qu’il faut faire pour arriver au haut niveau. Il a des bonnes relations avec les joueurs mais il est spécial, il n’est pas fait pour tout le monde. Pour certains joueurs, cela peut être très frustrant. Cela dépend comment les personnes sont formatées et comment elles peuvent gérer la demande du coach. Il est très, très exigeant. C’est un leader et ce n’est pas quelqu’un qui triche parce qu’il est toujours prêt, toujours à fond. Il ne veut pas qu’on perde de temps à l’entraînement, on doit toujours donner notre maximum.

Son exigence est palpable en défense… 

Oui mais pas seulement. Il est exigeant sur l’application des systèmes de jeu, sur les placements, sur les déplacements, les timings, les remises en jeu… on doit être précis sur tout. Et bien sûr, il demande une grosse intensité en défense. On est tout le temps en pression et on provoque les erreurs de l’adversaire. On a fait des matches en Coupe d’Europe où on menait genre 38-11 à la mi-temps, contre Promitheas ou Kazan. Quand on se met à défendre comme ça, à provoquer autant de pertes de balles, on peut vraiment être une équipe effrayante. Peu d’équipes ont l’effectif ou la capacité physique pour gérer ça. En Jeep® ÉLITE, il y a l’ASVEL et Dijon.

Votre effectif a beaucoup changé en cours de route. Comment expliques-tu que cela n’ait pas fonctionné pour Kim Tillie, un joueur référencé, qui a quitté le club début février ? 

Il y avait beaucoup d’attentes en ce qui le concernait de la part du coach, parce que c’est le joueur qui avait le plus gros CV de notre équipe, un joueur qui arrivait d’Euroleague et d’Espagne, un joueur d’expérience, réputé. Il n’est pas vraiment entré dans les demandes du coach, n’a pas répondu aux attentes, il a manqué un peu de confiance et derrière, il y a eu un effet boule de neige. C’était une situation délicate. C’est dommage qu’il soit parti parce qu’il aurait pu nous aider mais en vérité, cela reste un business. Si tu es malheureux quelque part, tu cherches un autre endroit. 

L’équipe s’est améliorée au fil de la saison. Quels matches t’ont marqué, collectivement et individuellement ? 

Collectivement, le match aller contre l’ASVEL, même s’ils n’avaient pas tout leur effectif. En coupe d’Europe, le match à Kazan a été un match référence (victoire 84-78 en Russie). Même si je n’ai pas joué, collectivement on a fait un gros match, après avoir perdu à domicile contre Galatasaray. Après, il y a eu le match contre Lietuvos rytas à domicile (86-61, 53-15 à la mi-temps !). On a vraiment explosé rytas en première mi-temps. Je ne sais pas ce qu’il s’est passé mais on était surexcité, on était partout, on défendait, on se passait le ballon. On a été vraiment au-dessus tout au long du match et ils n’avaient aucune réponse. 

Contre Kazan, tu as croisé Alex Tyus avec qui tu as joué à Florida. Es-tu resté proche de tes anciens coéquipiers à l’université ?

Je suis resté proche de ceux avec qui j’ai fini ma dernière année (Florida a disputé le Final Four en 2014). Ce sont Scottie Wilbekin qui joue au Maccabi, Patric Young qui a joué à Galatasaray, Olympiakos et essaie de revenir à son meilleur niveau après avoir eu des pépins physiques, Casey Prather qui a été trois fois champion d’Europe et a joué avec Dee Bost au Khimki Moscou. Avec ces trois-là, on est arrivé et on a fini ensemble à Florida, et on est resté assez proches. Alex Tyus était déjà sénior quand je suis arrivé, il m’a beaucoup conseillé.

La saison a été stoppée juste avant les grandes échéances, notamment votre quart de finale d’EuroCup contre la Virtus Bologne. L’EuroCup est - ou était - un objectif important pour vous ? 

Oui et je pense que notre équipe peut aller jusqu’au bout. Même si on n’est pas les favoris, c’est sûr, on a montré contre quelques-unes des meilleures équipes qu’on pouvait créer la surprise. L’EuroCup offre deux places pour l’Euroleague et c’est un truc qui fait rêver.

Pour avoir joué en BCL pendant deux ans avec le Mans, peux-tu comparer ces deux coupes d’Europe ?

L’EuroCup c’est un niveau au-dessus, parce que toutes les équipes jouent le haut de tableau dans leur championnat. En BCL, il y a peut-être trois ou quatre équipes par poule qui ont l’habitude de jouer en coupe d’Europe, et derrière des équipes moins référencées. Tu vois vraiment une grosse différence avec certaines équipes. C’est moins le cas en EuroCup. Le niveau est beaucoup plus homogène qu’en BCL. 

À 28 ans, tu arrives dans les meilleures années de ta carrière. L’Euroleague, c’est une compétition qui te fait rêver ? 

Bien sûr, parce que c’est le summum européen. Quand je vois les matches, les joueurs en parler à la télé, je me dis que ça doit être une expérience fabuleuse de jouer contre les meilleures équipes d’Europe. Les déplacements, les salles mythiques. J’essaie de m’en approcher petit à petit. Pour l’instant, on est en EuroCup. On ne sait pas si on aura l’opportunité de finir la saison, compte-tenu des circonstances. Mais j’espère que l’occasion se présentera de jouer à ce niveau, que ce soit en France ou à l’étranger. Mais je suis bien à Monaco !