Sasa Obradovic : "Je me sens déjà comme chez moi"

Sasa Obradovic : "Je me sens déjà comme chez moi"



A l'aube de sa première contre Cholet, ce lundi à 20h45 à Gaston-Médecin, Sasa Obradovic évoque son nouveau challenge avec la Roca Team, sa philosophie et sa riche carrière. L'ancien triple champion d'Europe et champion du monde avec la Yougoslavie parle de toute l'énergie et la passion qui sont les siennes dans le métier d'entraîneur.


Sasa Obradovic, pourquoi avoir accepté le challenge de la Roca Team ?
L’une des raisons principales concerne les personnes qui m’ont fait venir. J’ai remporté le titre de champion d’Ukraine en 2012 avec le président Sergey Dyadechko (le président de l’ASM Basket aujourd’hui). Je suis en relation avec le directeur exécutif, Oleksiy Yefimov, depuis de nombreuses années (les deux hommes ont travaillé ensemble au BC Kiev en 2008/09). Quand j’étais joueur et que je choisissais une équipe, je pensais toujours à me retrouver dans une situation où les gens m’apprécient et me font confiance . C’est la même chose en tant qu’entraîneur. Il y avait une option aussi pour moi avec des équipes d’Euroligue, mais le plus motivant à mes yeux est de construire quelque chose sur la durée. Comme ce fut le cas à Donetsk, et ensuite à Berlin, durant quatre ans. Au Lokomotiv Kuban, je peux dire fièrement que le travail a été bien fait. On n’a pas remporté le titre, mais on a gagné la Coupe et on a atteint la finale de l’EuroCup. J’aurai la même ambition à Monaco, je ferai tout pour ne pas décevoir les gens. Durant toute ma carrière, j’ai toujours supporté beaucoup d’attente et de pression. Pour moi, ce n’est pas un problème. Si vous rencontrez la pression, c’est que votre job est important.

Vous n'êtes pas qualifié par la LNB pour ce match contre Cholet. Comment le vivez-vous ? 
Je n'ai rien à ajouter à ce que j'ai déjà dit : je ferai mon travail au mieux et le respect parlera de lui-même. Je suis très heureux d'être ici et totalement investi dans le challenge avec l'équipe. J'ai vraiment été touché par l'accueil chaleureux de tout le monde, les fans, les collègues, les joueurs, et je me sens déjà comme chez moi avec les joueurs et le staff. Je mérite d'avoir une chance ici. Et je suis sûr que tôt ou tard cette chance me sera donné.

Vous prenez la Roca Team en cours de saison. Quelle est votre ambition ?
Dans le basket, il faut savoir tirer le meilleur de chaque joueur. On va travailler chaque jour pour faire progresser l’équipe. Je ne suis pas venu à Monaco pour jouer les seconds rôles. On va viser haut. Mais cela ne sert à rien de parler sur des objectifs lointains. On travaille chaque jour pour remporter le prochain match. C’est un dur combat. Je ne vais pas vous dire que l’on est favoris, que l’on va être champions, mais ce qui est sûr c'est qu'on va travailler très, très dur pour atteindre le meilleur niveau possible et s'y maintenir. Je suis très enthousiaste.

Vous avez l’image d’un entraîneur qui ne badine pas au sujet de la discipline…
En tant que coach, vous dépendez aussi du talent des joueurs. Parfois, les joueurs les plus talentueux ne sont pas les plus disciplinés, mais il y a des aspects incontournables selon moi. La discipline, c’est de respecter les autres dans le groupe, d’être professionnel, d’arriver à l’heure, de respecter vos partenaires, le coach, les adversaires.. A Monaco, l’une de mes premières phrases aux joueurs a été : je ne vais pas vous apprendre à jouer, mais là où je vais pouvoir vous rendre meilleurs, c’est au niveau de l’attitude, sur et en dehors du parquet, et l’on verra où cela va nous mener. Ce n’est pas un secret que la discipline et l’organisation, dans tous les domaines, sont les bases du succès.

Vous êtes aussi quelqu’un de très expressif sur le banc, même parfois volcanique !
Ok, c’est vrai, je dirais que je suis un petit peu plus calme aujourd’hui. Mais toute l’énergie que vous insufflez à vos joueurs, à l’entraînement, et puis ensuite en match, il faut qu’ils la ressentent et qu’ils en prennent exemple. Je pense que l’énergie et la passion sont liées, et c’est ma façon de fonctionner. Parfois, quand je me vois à la télé, je suis un peu gêné… Il faut que je prépare mes joueurs à ma façon de coacher. Quand je m’énerve, il n’y a rien de personnel, c’est ma façon de travailler. Honnêtement, la plupart du temps, j’ai de bonnes relations avec mes joueurs.

Comment situez-vous Paul Lacombe, l’international, le capitaine de la Roca Team depuis le début de saison ?
Sincèrement, j’attends beaucoup de Päul. C’est un très bon joueur, un gars que j’espère nous serons en mesure de garder à l’avenir. Il doit être le joueur qui identifie l’AS Monaco, un élément très important de notre construction.

Vous avez déjà eu Elmedin Kikanovic sous vos ordres à l’Alba Berlin ?
Tout à fait, je me félicite de le retrouver et de pouvoir encore compter sur son talent. Avec Kikan, nous avons  remporté la Coupe d’Allemagne. C’était un beau trophée, notre adversaire Munich, notamment, était une équipe d’Euroligue. L’Alba a été une période importante de ma vie. J’ai pu travailler quatre saisons là-bas, quatre années intenses.

A Berlin, justement, vous êtes le seul coach à avoir battu les champions en titre NBA, en l’occurrence les San Antonio Spurs de Tony Parker en 2014, avec votre équipe de Berlin en amical (94-93, à la toute dernière seconde du match)...
Cela reste comme une marque de fabrique, les gens m’en parlent souvent. Si l’on devait rejouer 100 fois ce match, je ne sais pas si on pourrait le gagner une fois ! Et pourtant, les Spurs n’avaient pas joué en dilettante, toutes les stars avaient joué de longues minutes… Chaque année, je vais aux Etats-Unis, et il y a deux ans, j’ai croisé Tim Duncan. Je lui ai demandé s’il me reconnaissait. Il m’a répondu, après ce match de 2014, je crois que je ne serai jamais capable de t’oublier !

Ce fut une surprise de voir votre mission à Krasnodar interrompue en novembre alors que vous avez été nommé coach de l’année en EuroCup en 2018 (avec 20 victoires d’affilée) et que votre début de saison semblait correct… Que s’est-il passé ?
Honnêtement n'ai pas vraiment d'explication. De tous les coaches, y compris Boja (Maljkovic), je peux dire fièrement que je suis l'un de ceux qui sont restés le plus longtemps au Loko ! Il y a sans doute différentes raisons, mais je n’ai pas les tenants. L’équipe avait été renouvelée, il fallait tirer le meilleur des joueurs... Je ne pense pas que je méritais cette décision. Cela fait partie du métier. Je préfère ne pas trop commenter les choix qui ne m’appartiennent pas. Le mieux est de laisser cet épisode derrière moi pour me concentrer à fond sur cette nouvelle aventure à Monaco.

Vous retrouvez donc le championnat français, 26 ans après votre passage à Limoges ?
Ok, je n’ai pas eu beaucoup de chance lors de mon expérience à Limoges (en 93). Je ne suis resté que quelques mois mais j’ai gardé des amis pour toujours là-bas. J’arrivais dans un club champion d’Europe, en tant que meilleur joueur du championnat serbe, c’était ma première expérience à l’étranger… Je me suis blessé à la cheville. Les dirigeants se sont demandés si je serais capable de tenir le choc en Euroligue. Bon, la suite de ma carrière a montré que je pouvais faire (sourire).

Votre avis sur la Jeep Elite ?
C'est un championnat intéressant, intense. La ligue française a une particularité : j’ai l’impression que tout le monde peut battre tout le monde. Vous voyez des équipes très bien jouer, et la fois d’après, ce n’est plus le cas. Il  faudra arriver à être le plus constant possible. Si vous jouez avec 100 % d’intensité, je pense que vous aurez une chance à chaque match.

Avec la Yougoslavie (95-2001), en tant que joueur, vous avez appartenu à l’une des meilleures sélections de tous les temps… Si vous deviez dire le meilleur avec lequel vous avez joué ?
Ce serait injuste d’en choisir un… Je ne pourrais même pas distinguer un Top 5. Durant ces sept années extraordinaire, tous ces coéquipiers m’ont aidé à devenir la personne que je suis. Souvent, les gens me disent que c’est la plus belle sélection qui n’ait jamais existé. Peut-être. Ce fut en tout cas la période la plus heureuse de ma vie.

Votre plus beau souvenir ?
Le premier titre européen (en 1995 en Grèce) est particulièrement inoubliable (1). En ce qui me concerne, c’est à l’occasion du championnat du monde 1998 que je tins le rôle le plus important. J’avais 29 ans, c’était le bon moment...


1. La ''dream team'' yougoslave du titre européen de 1995 : Sasa Djordjevic, Zarko Paspalj, Pedrag Danilovic, Sasa Obradovic, Dejan Bodiroga, Zeljko Rebraca, Dejan Tomasevic, Vlade Divac, Miroslav Beric, Zoran Savic, Dejan Koturovic, Zoran Sretanovic. Entraîneur : Dusan Ivkovic.